Mieux comprendre les ados… l’amitié

Les copains d’abord…


Pour définir l’amitié, prenons celle proposée par Miss K sur son blog lorsqu’elle parle de sa «BFF» (Best Friend Forever) : «c’est la personne avec qui tu partages tes secrets, tes peurs, tes colères , tes tristesses, celle avec qui tu délires». L’idée principale énoncée est celle du partage, de la  confiance . Ainsi, de nombreuses recherches dans différents domaines (sociologie,biologie,médecine) mettent en avant les effets positifs de l’amitié sur l’individu. Intéressons-­‐nous à sa construction et aux effets de l’amitié chez nos jeunes.

L’évolution de l’amitié

Dès la crèche, les puéricultrices observent que les jeunes enfants «se cherchent» et se rapprochent en fonction de
leur style de communication («les anxieux», «les lents»etc). Claude FLAMENT, psychosociologue, parle de prémices d’amitié pour définir ce lien. En maternelle, des liens plus privilégiés se nouent et participent  à la séparation / individuation d’avec les parents. Plus tard,en primaire, être ami c’est partager un lien sacré : les enfants échangent des cartes, de collection, des jeux vidéos, des secrets…Les enfants font ainsi appel à l’amitié dans les moments
de tristesse comme étant un moyen de les consoler, les réconforter. Autourde11-­‐13ans, les jeunes partagent des activités communes : le lien d’interaction n’est pas premier dans la relation. Cette relation est plus exclusive et sélective que durant l’enfance. Au moment de l’adolescence, pour Béatrice COPPERROYER, psychologue spécialisée dans l’enfance et l’adolescence, l’amitié occupe une place importante dans la vie affective. «L’amitié est la clé de voute qui aide à se construire en dehors des parents et à affronter plus sereinement l’inconnu avec ces pairs : la puberté, la sexualité, les premiers amours. L’ami, à c  et âge, est un double narcissique, un appui identitaire, un soutien  indispensable ; les sentiments y sont entiers, voire passionnels». A cette période, c’est le partage  d’expériences et d’émotions qui domine : le lien devient plus fort et sa nature change. Ainsi, les rencontres sont plus nombreuses, et les adolescents construisent des normes de conformité aux pairs. La poussée pubertaire crée des tensions et peut amener de l’ambivalence dans les liens amicaux.

Des différences entre sexes ?

Elles sont pointées dans les études : pour les modèles d’amitié (DOUVAN et ADELSON 1966), le
nombre d’amis (MONTEMAYOR etVANKOMEN,1985), les attentes à l’égard des pairs (LAGAIPA,1979) et le niveau de proximité ou d’intimité entre amis (SHARABANY et Al,1981). De façon générale ,les filles ont des réseaux d’amies plus
restreints que celui des garçons mais elles entretiennent avec celles­‐ci des relations plus proches et plus intimes.
Les attentes des filles sont plus grandes et leur besoin de proximité, d’attachement et d’intimité est
supérieur à celui des garçons. Vers 8 et 9 ans, les enfants sont «unisexués» c’est-­‐à-­‐dire que les filles et les garçons restent entre eux selon les études de DUNPHY (1963). Les amitiés se font bien souvent en fonction du sexe et participent à la construction de l’identité sexuée. Autour de 10-‐11ans, les garçons et les filles se «mélangent» davantage. C’est vers 12-‐13ans que les premiers échanges hétéro sexuels se font et que des couples se forment au sein des groupes.

L’amitié, c’est important?

La fonction de l’amitié est essentielle pour les jeunes, à tout âge car elle apporte une sécurité affective dont ils ont besoin pour se construire. A l’adolescence, l’amitié a un impact important sur l’estime de soi : avoir un ami nourrit l’estime de soi, permet de mieux se connaitre. C’est l’adage «Dis moi q ui tu aimes, je te dirais qui tu es »; l’autre devient un repère. En effet,l es amitiés permettent aux adolescents de savoir qu’ils sont dans une période troublée, au moment où la bascule entre l’enfance et l’âge adulte s’opère. Un enfant quant à lui se sent plus à l’aise dans un groupe, moins isolé, plus respecté grâce à un système d’alliance. Les liens d’amitié favorisent également l’expérience des choix amoureux : l’adolescent apprend à choisir , à s’ajuster. Dans les relations amicales, l’enfant apprend à trouver des compromis, gérer des conflits, négocier…Ce sont des expériences de vie très utiles pour la construction de soi et du futur adulte en devenir et son rapport à l’autre. Lorsqu’on perdu un ami, notamment à l’adolescence, certains psychologues parlent de deuil (BéatriceCOPPERROYER), de blessure narcissique (Jean MAISONNEUVE par exemple) : c’est reconnaitre que l’on s’est trompé ou que l’on a été trompé. Danièle BRUN psychanalyste explique que c’est douloureux car on est «dans la sphère de l’intime, dans le vif de soi, où tout est passionnel. Cela fait mal car ce n’est pas prévu au programme, ça ne fait pas partie de l’idéologie, de la mythologie de l’amitié». Il fait le parallèle avec la rupture originelle (celle entre lamère et l’enfant) et la juge nécessaire, comme faisant partie de la vie psychique.  Certaines recherches ont établi un lien entre les amitiés et la santé mentale (ROLF,1976,ROFFetWIRT1984). Selon les expériences menées, ils concluent que l’asbence d’amitié à l’adolescence est un prédicteur d’ajustement personnel problématique à l’âge adulte ; l’absence de lien d’intimité avec les pairs a une incidence sur la santé mentale. On pourrait ainsi résumer les effets de l’amitié : «avoir des amis c’est bon pour la santé»! L’amitié préserve donc des maladies mentales. Les conversations intimes avec les amis ont pour effet de réduire l’anxiété !

Pour conclure, Pascal MALLET (enseignant de psychologie du développement de l’enfant, auteur de «L’amitié entre enfants et adolescents, une force pour grandir») constate qu’enFrance il y a peu de livres sur cette question de l’amitié. La tendance qu’il questionne est de ne voir la relation avec les pairs que par le prisme unique (ou du moins dominant) du harcèlement scolaire. Une «mallette de l’amitié» pourrait être une piste d’amélioration du climat scolaire, de la santé mentale ?? C’est déjà ce que disait Aristote «Sans ami,nul ne voudrait vivre».